» Franz Schultheis
Université de Genève

S’il est vrai que la jeunesse "n'est qu'un mot", comme l'affirmait Pierre Bourdieu il y a une trentaine d’années en arrière, il faut prolonger cette thèse en soulignant que ce mot est en même temps bien fondé. La jeunesse en tant qu’âge de vie, statut généalogique et appartenance à une catégorie sociale spécifique est enjeu d’ une variabilité historique, interculturelle et intrasociale étonnnante et s’il s’agit donc indéniablement d’une construction sociale à géométrie variable, il faut en même temps éviter les pièges d’un relativisme constructiviste total et rappeler qu'il s’agit toujours d’une réalité historiquement produite que le sociologue doit interroger sous de différents angles pour comprendre pourquoi elle se présente à un moment donné „sous cette forme et non sous une autre“ (Weber).
Dans nos sociétés modernes, la jeunesse a pris successivement l'aspect d’un moratoire socio-économique et culturel de plus en plus long, institué et protégé par l'Etat. Percue dans les sociétés traditionelles de facon négative comme un état de manque (être sans statut, sans autonomie, sans "valeur sociale" etc.) et comme une sorte de salle d'attente, nos sociétés contemporaines se singularisent clairement par une représentation phantasmagorique (Benjamin) de la jeunesse comme âge d'or du cycle de vie. Le culte de la jeunesse y épouse particulièrement bien le fétischisme de la marchandise et les qualités associées à l'image de la jeunesse (flexibilité, ouverture, mobilité, apprentissage permanent etc.) s’ y trouve en affinité élective parfaite avec l'image du capital humain véhiculé par le nouvel esprit du capitalisme, en faisant oublier qu'un handicap essentiel de l'état de jeune s'y trouve –paradoxalement ou pas- retraduit de nécessité en vertu: la précarité.

» Mounia BENNANI-CHRAIBI
Institut d'études politiques et internationales, Université de Lausanne
En Français

Lorsque l'on évoque « la » jeunesse des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, on l’appréhende le plus souvent à partir d’un profil masculin, celui du jeune diplômé au chômage, frustré, désespéré, qui n’a pour seule échappatoire que de griller les frontières ou d’adhérer à des mouvements islamistes radicaux. Pour aller au-delà d’une telle image, qui imprègne y compris certains travaux à caractère académique, il importe de se pencher sur les figures prises par les jeunesses à travers l’histoire récente des sociétés arabes. D’une période à l’autre, elles ont effectivement été perçues tantôt comme une richesse, une espérance, un moteur du changement, tantôt comme un « problème » ou une menace… La grille d’interprétation générationnelle a souvent été utilisée pour rendre compte de la succession de ces phases, de l’émergence de mouvements protestataires, de cycles d’ « apolitisme » ou d’autres formes d’exit. Or, on pourrait se demander dans quelle mesure une telle approche est efficiente

Nadia Pasquier
En collaboration avec Martine Aeby-Renaud
Service de planning familial et grossesse, Fondation Profa, Vaud
En Français

Chez les jeunes, les conduites de prises de risque et d’essai donnent sens à leur vie. Elles structurent leur personnalité, concourent à l’apprentissage de la vie sexuelle et à la relation avec l’autre sexe. Sur la base d’entretiens d’adolescentes et de situations tirées de la pratique psycho-sociale d’un centre de planning familial, l’objectif de cet atelier est d’interroger le sens du risque chez les adolescents en prenant pour exemple celui d’une grossesse. Quel rôle les conduites de prises de risques et d’essai ont-ils dans l’apprentissage de la sexualité ? Quelles sont les raisons qui motivent une personne à prendre le risque d’une relation sexuelle non protégée ? Nous verrons en particulier que la capacité d’anticipation nécessaire à l’évaluation d’une situation – en l’occurrence l’évitement d’une grossesse – demande qu’il y ait une représentation d’une situation non vécue et l’accession au raisonnement hypothético-déductif (J. Piaget).

» Jean-Marie SECA
Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
En Français

Quelles sont les relations entre l’ensemble sociologique « jeunes » et les représentations musicales dans l'underground (rock, rap, metal, techno notamment). L’engouement et l’engagement dans ces activités distractives/créatives présupposent l’existence d’une matrice culturelle commune, au-delà des différenciations stylistiques. Des éléments de réponse conceptuelle seront extraits de concepts de l’approche de Karl Mannheim sur les générations (entéléchie, groupe concret), des manifestes « jeunistes » et des travaux sur la transe et les états modifiés de consciences. Les résultats d’enquêtes anciennes ou plus récentes sur les praticiens de ces courants musicaux serviront de compléments d’analyse. Une partie de l’intervention sera consacrée à la discussion lexicale et critique et une autre section à l’observation des modes de socialisation permettant la cristallisation de ces cultures dites « jeunes ». On portera une attention particulière à l’anthropologie politique de ces mouvements.

» Christina Benninghaus
» Université Bielefeld
Auf Deutsch

"Jugend" und "Generation" haben wie andere wissenschaftliche Kategorien ihren historischen Ort. Entwickelt wurden sie mit Blick auf die Verhaltensweisen, die Lebensstile und die psychische Verfasstheit männlicher Heranwachsender. Heute werden diese Kategorien scheinbar geschlechtsneutral verwandt. Der Workshop rekonstruiert die ursprünglich männliche Konnotation von „Jugend“ und „Generation“ und fragt, inwieweit dieses "male bias" Auswirkungen auf heutige Jugendbilder in der Öffentlichkeit, in der Jugendforschung und in der Jugendarbeit hat.